J'ai fait un rêve étrange, très étrange. Faut croire que la prépa me pèse. Enfin, c'était pas vraiment un rêve, en fait. C'était plutôt une sorte histoire que j'ai commencé à me raconter dans un état de demi-sommeil, et qui a fini par mener sa vie propre dans un rêve.
Tout se passe sur une bordure de mer, du genre arrière-pays provençal. Sauf qu’en ces lieux proches de la côte méditerranéenne, les lacs, fleuves et rivières cohabitent avec des lacs de magma, des fleuves de magma, sans que ça ne pose de problème à personne. La vie s'y écoule tranquillement, ici on cultive des raisins, là on fabrique des pots en terre cuite, que c'est beau, on dirait un rêve. On dirait une civilisation grecque utopique. Certes personne n'est vêtu de toge mais c'est limite. Tout se passe donc dans un monde idyllique : en gros, le pays des schtroumpfs.
Mais hélas un élément perturbateur vient foutre son bordel dans cette région tranquille : on annonce un tsunami de magma. De tous les cataclysmes, c’est LE désastre auquel on ne survit pas. La grosse couille dans le potage. D'ailleurs on voit à l'horizon une lueur rougeoyante, comme si le soleil était en train de se coucher, alors que nous sommes en plein milieu de la journée. Bon, je vous passe la scène de panique générale, tout le monde court, des gens se font marcher dessus, un bébé pleure perdu dans la rue, tous les clichés de films catastrophe.
Pour échapper au raz-de-marée ardent, on sort le train-bateau-qui-peut-flotter-sur-le-magma. Oui. Ne cherchez pas, c’est un rêve. C’est un train, dans la mesure où il est formé d’un assemblage de wagons tirés par une motrice à vapeur. Cependant les wagons sont gigantesque chacun comporte une coque et des roues à aubes sur lesquelles il est possible de rouler. Certains wagons sont des plateformes de transport, d’autres contiennent des cabines pour les voyageurs. Tout le monde place ses affaires dans le train qui est heureusement assez vaste. En fait je crois qu'il grandit en fonction de ce que l'on veut y placer.
Changement complet de point de vue. Jusqu'à maintenant on était en caméra subjective, et on se retrouve avec une vue depuis le ciel, comme dans les jeux de simulation en temps réel, type Age of Empire. Alors que les retardataires finissent de monter dans le train, des mains géantes qui descendent d'on-ne-sait-où attrapent les maisons et les déposent sur les plateformes du train.
Ceci fait, on décide de faire route vers l'intérieur des terres, parce que bon on ne tient pas à se prendre la vague de magma en pleine face. Le train-bateau démarre, et le voyage commence, avec pour seul paysage une énorme vague incandescente obstruant le ciel. La température monte de quelques degrés.
Là on se croirait dans un reportage sur la guerre au Kosovo, dans un train de refugié, avec les mères portant leurs enfant contre leur sein, tous entassé a même le sol, parce que les maisons prennent toute la place. A cause de la chaleur dégagée par la vague de magma, une odeur de bacon se répand dans les wagons.
La machiniste déboule alors dans le wagon. Dans le plus pur style steampunk, la machiniste. Une salopette graisseuse trop large, un haut simple et sale, des lunettes de mécano sur le front, de la suie sur le visage. Elle annonce qu’on perd de la vitesse. Il lui faut quelqu'un pour entretenir le feu. Je suis désigné d'office.
Pour rejoindre le foyer à entretenir, on passe par la salle de commande où un vieux capitaine au long court, pipe au bec et perroquet sur l'épaule, pilote le train-bateau. On ne s’attarde pas. Après une série de couloirs, nous arrivons devant une porte métallique. Une centaine de fils pendouillent de la porte, comme sur les anciens tableaux des standardistes. La machiniste en débranche quelques-uns, en rebranche d’autres. Après le dernier branchement, la porte s’ouvre. Je m'étonne qu’une porte fonctionne de cette manière. La machiniste me toise comme si ma remarque était stupide, avant de me demander d’où je sortais pour ne pas savoir ça.
Nous nous retrouvons dans une fournaise. Je suis face à un grand couloir sombre, noir. Au fond, on voit un brasier flamboyant crachant milles étincelles tel la gueule de l’enfer ou Satan attendrai patiemment son heure. La chaleur dégagée par le feu me frappe au visage. Je sens ma peau cuire doucement. J’ose à peine imaginer la température au bout du couloir. À ma gauche, un tuyau au pied duquel se trouve un tas de charbon.
La machiniste me donne une pelle en fer et me montre le feu, au fond du couloir. C'est là que je dois amener le charbon, me dit-elle. Je demande, inquiet, s’il fait encore plus chaud là-bas, vu qu’ici je cuis déjà. Elle me répond que bien sûr, à quoi je pense, en rigolant. Mais, dit-elle pour me rassurer, la pelle au moins ne chauffe pas, je ne me brulerai pas les mains.
Et pis là je me réveille. Même pas en sursaut. Même pas en sueur. Je me réveille simplement, en émergeant doucement.
Photo : paul bica
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